Si le ministère de la Défense a présenté à la famille éplorée ses condoléances, tout en annonçant «que le défunt a trouvé la mort du fait des coups et blessures infligés par des individus habillés en tenue militaire et encagoulés» et que «les services judiciaires compétents ont été saisis pour une enquête en vue de faire la lumière sur cette affaire odieuse et en déterminer les responsabilités», la sortie des autorités de la Transition sonne comme un air de déjà entendu.
Difficile de croire que des individus en tenue militaire, cagoulés, en période de couvre-feu, dans un pays ultra-sécurisé où l’Etat a investi d’importants moyens financiers, techniques et humains dans le renseignement, plus de 20 jours plus tard que ne soient pas clairement identifiés avec témoignage à l’appui des victimes qui ont partagé les dernières heures du jeune Karl, les auteurs d’une telle atrocité sur un concitoyen. Soit c’est de l’incompétence des autorités sécuritaires et dans ce cas nous ne sommes donc pas à l’abri, à cette allure d’un autre coup d’Etat militaire. Mais à ce qui semble fort probant il s’agit d’une fuite en avant, de ce que le régime gêné n’ose pas pour le moment désigné comme étant une bavure policière.
Comme un air de déjà entendu ?
Les hommes passent mais l’Etat reste. Quid des enquêtes judiciaires aux sujets de la mort de Bruno Mboulou Mbeka décédé d’une balle à la tête lors d’une manifestation pacifique des soutiens de l’opposant Jean Ping en 2014 ? Quid de la mort du jeune commerçant Thérence. Ndombi Bignoumba dans les locaux du commissariat central de Libreville en plein centre-ville en 2016 ? Quid des personnes abattues par balle à Libreville dans les Pk pour protester contre les mesures de lutte contre la Covid-19 lors de la « révolution des casseroles » ? A chaque fois, la même méthodologie. Les autorités avaient annoncé l’ouverture d’enquête sans que les coupables ne soient inquiétés par la suite.
Si aujourd’hui les populations saluent le « coup de libération », elles n’ont pas oublié que les forces de défense et de sécurité ont également participé à la pérennisation du régime Léon Mba puis des Bongo par leur pouvoir de répression des contestations politiques et sociales dès l’indépendance du Gabon.
Le cas du décès du jeune Karles Stecy Akué Angoué sera-t-il un cas isolé ? Nous l’espérons. Cependant le pire est à craindre, car hormis la Gendarmerie nationale et la Police nationale habituées à être quotidiennement au contact des populations, ce n’est pas le cas pour la Garde républicaine, les Bérets rouges, les Bérets verts et les autres corps d’élites habituellement dans les casernes et qui ne sont pas forcément préparés à être au contact des civiles dans l’exercice de leur fonction. Et surtout qu’en face il y’a une population qui après des décennies des Bongo est devenue profondément anti-autoritarisme et de l’autre côté, des autorités de la Transition qui veulent imposer la discipline militaire : assurément les deux ne pourront pas longtemps faire bon ménage.
D’où l’urgence et l’impérieuse nécessité de lever le couvre-feu et de rapidement fixer dans une période la plus courte possible une transmission du pouvoir au civil. Au-delà du cosmétique c’est par ce chemin que passe notre essor vers la félicité.