Le coup d’Etat militaire du 30 août 2023 a échoué. À trois heures du matin, quelques minutes après la déclaration du président du Centre gabonais des élections, Michel Stéphane Bonda, annonçant le président sortant, Ali Bongo Ondimba, vainqueur de la présidentielle avec 64% des suffrages loin devant le candidat consensuel de la coalition de l’opposition Alternance 2023, Albert Ondo Ossa qui a obtenu 30%, des coups de feu retentissent dans la ville, au Palais Rénovation, à la Cité de la Démocratie, à la Sablière, au camp Aïssa. Deux camps s’affrontent, l’armée restée loyale à Ali Bongo et des putschistes. Les populations qui sont aussitôt descendues dans la rue, pillant les magasins et détruisant les édifices publics pour contester la victoire d’Ali Bongo ont laissé la place au combat entre les loyalistes et les putschistes. Les gens sont terrés chez eux, seuls quelques téméraires sont restés dans la rue au côté des putschistes pour leur prêter main forte.
D’abord surpris par l’attaque les loyalistes ont repris le contrôle de la situation en mettant en déroute les putschistes. En milieu de journée, les rues de Libreville sont jonchées de cadavres de militaire et de civil, et de chars détruits. Les bâtiments du palais présidentiel sont criblés de balles et éventrés par les tirs de mortier, on peut encore voir de la fumée s’échapper du palais. Le siège du groupe Gabon Télévision est encore en flamme, témoignage de l’intensité des affrontements armés qui se sont déroulés à cet endroit pour le contrôle de la télévision et de la radio.
Un nom circule déjà pour désigner l’auteur de ce coup d’Etat militaire, on parle du général de brigade, Brice Clotaire Oligui Nguema, le patron de la garde républicaine. Il serait en fuite avec plusieurs autres putschistes. Un couvre-feu de 24 heures a été décrété. Le reste du pays est également sous contrôle des loyalistes qui mènent dans le pays une chasse à l’homme, des arrestations et des exécutions extra-judiciaires.
En début de soirée, Ali Bongo fait un discours à la nation. La mine grave, il loue la loyauté et la bravoure de l’armée restée loyaliste qui a déjoué le coup d’Etat et fait respecter l’ordre républicain et la démocratie. À l’endroit des putschistes qu’il traite d’ennemis de la patrie et frappe d’indignité, il promet que la justice sera impitoyable et qu’ils paieront le prix fort. Le meneur du putsch sans le citer, il le traite d’ingrat et de cupide, alors que ce dernier lui doit tout. Il loue le modèle de stabilité du Gabon, appelle les populations au calme et jure de défendre la République. Fin du discours.
À la télévision, le procureur de la République, André Patrick Ropona, mâchoires serrées, annonce des dizaines de morts, des destructions des biens et l’arrestation de plusieurs militaires. Il cite des noms. Le principal auteur du putsch n’est autre qu’Oligui Nguema. Il est en état d’arrestation. Après la perquisition de son domicile et de ceux de plusieurs autres hauts gradés, des caches d’armes, des mallettes d’argent et des plans d’attaques sont découverts. Accusés de haute trahison, lui et ses complices encourent la peine capitale. Des enquêtes sont en cours et des arrestations ont toujours lieu.
Plus tard, des images circulent en boucle à la télévision. On présente l’auteur du coup d’Etat, le visage tuméfié, l’uniforme lacéré, les mains solidement attachés derrière le dos, visiblement il a été torturé. Interrogé par un journaliste, la voix à peine audible, il affirme dans un récit abracadabrant être l’auteur du coup d’Etat et que sa mission était de placer Albert Ondo Ossa au pouvoir contre une forte promesse d’argent avec l’aide du Congo, de la Guinée Equatoriale, la Côte d’Ivoire et la France. La tête de l’ex homme fort de la Garde républicaine tient à peine sur ses épaules. La séquence qui dure deux minutes est à peine soutenable.
Le journal pro-gouvernemental, l’Union tire sa une avec la photo du putschiste Oligui Nguema défait, le visage hagard : « l’ennemi de la patrie et de la démocratie. »
Le premier ministre, Alain-Claude Bili interrogé par Radio France internationale, parle de criminel en treillis qui ont voulu mettre en péril la démocratie avec la complicité de l’opposition qui savait qu’elle avait perdu les élections et a risqué le tout pour le tout.
L’opposition est décapitée. Toutes les formations politiques faisant partie de la coalition Alternance 2023 sont dissoutes. Alexandre Barro Chambrier et Albert Ondo Ossa sont arrêtés et risquent la prison. Ils sont accusés de complicité avec les putschistes. Leurs pairs sont tous en résidence surveillé.
La presse aussi n’échappe pas à cette purge. Les locaux de Gabonreview sont sous scellé et des ordinateurs sont emportés pour enquête. Le directeur de publication du média, François Djimbi est en fuite. Son malheur, trois jours avant le scrutin du 26 août il avait publié un article prémonitoire intitulé : Ali Bongo risque-t-il un coup d’Etat militaire dans un coup d’Etat électoral ?
Les condamnations du coup d’Etat militaire et les soutiens au régime d’Ali Bongo se succèdent à la télévision. Paul-Marie Gondjout le président de l’Union nationale initiale, Anna Claudine Ayo du Bloc démocratique chrétien, Séraphin Akure-Davain de Les Démocrates libres, Philippe Nzengue Mayila de Les démocrates, les candidats indépendants à la présidentielle Germain Ella Nguema, Abel Mombo, Abel Mbombé Nzondou félicitent Ali Bongo pour sa victoire et condamnent avec fermeté le coup d’Etat militaire. Le Conseil supérieur des affaires islamique, l’Eglise évangélique du Gabon, et les églises de réveil prient pour la paix et condamnent également les putschistes. L’Eglise catholique si elle n’a pas condamné les putschistes, elle appelle Ali Bongo au respect de la vie humaine et à tirer les leçons d’un processus électoral biaisé à l’origine du putsch.
A son tour, Marie-Madeleine Mborantsuo proclame Ali Bongo vainqueur. Quelques jours plus tard, il prête serment pour un troisième mandat. A sa prestation de serment, même s’ils ne sont pas nombreux à avoir fait le déplacement, parmi les chefs d’Etat africain, on compte le centrafricain Faustin-Archange Touadéra, le togolais, Faure Gnassingbé et le tchadien Mahamat Idriss Déby.
Bien entendu le réveil est brusque. Par bonheur, Dieu soit loué, ce n’était qu’un cauchemar. Mais ne dit-on pas qu’il faut toujours méditer sur ses rêves ? En voilà une : les mêmes qui cirent les bottes du nouvel homme fort du pays aujourd’hui, auraient été les mêmes qui l’auraient ouvertement condamné à la potence s’il avait raté son « coup de libération ». A méditer…