“Le Confidentiel” : Dans une interview parue dans le quotidien l’Union, Me Ella Andoume pointe du doigt deux textes à l’origine de la crise au sein du Barreau. Selon votre confrère, les articles 22 de la loi organique et de l’article 64 du Règlement de procédure font la part belle aux Avocats ayant une ancienneté de dix ans et de quinze ans et discriminant tous les autres Avocats. Créant ainsi une discrimination par l’effet de la loi, entre les “super-avocats et des avocats de seconde zone”. Vous qui avez plus de 30 ans d’exercice qu’en pensez-vous ?
“Le premier ennemi de l’Avocat, c’est lui-même et ses confrères.”
Me Jean Paul Moumbembé : Nous sommes un Ordre certes légalement reconnu par l’État mais nous restons un organisme privé géré par un Conseil de l’Ordre présidé par un Bâtonnier dont l’exercice de chacun ne devient effectif qu’à la fin du contentieux électoral vidé par le seul Conseil d’État … Avant donc la décision de cette haute Juridiction administrative confirmant ou non les résultats sortis de l’urne, personne ne peut s’emparer de sa propre autorité de la “Maison de l’Avocat” en se positionnant comme le nouveau locataire des lieux sacrés. Le Barreau National du Gabon et ses dirigeants ne peuvent s’ériger en Institutions publiques reconnues comme telles par la Constitution Gabonaise ! Je fais noter brièvement que dans certains milieux privés fermés et par ricochet, secrets, notre corps professionnel est perçu par des Initiés surtout philosophiques et tabous comme une secte qui devrait privilégier par voie de conséquence le Secret professionnel et le respect des aînés comme instruments bénis des dieux, en l’occurrence de TELUM, Dieu, le Créateur. D’ailleurs, au titre des devoirs de l’Avocat envers ses Confrères, l’article 105 du Règlement Intérieur de notre Confrérie ne stipule-t-il pas ceci : “L’Avocat a une obligation de courtoisie, d’aide et de solidarité à l’égard de ses Confrères, de déférence à l’égard des Avocats plus âgés et plus anciens” ?… Semble-t-il, ces règles sacro-saintes du Secret et du Respect de l’aîné sont devenues lettres mortes ! Notre corps prossionnel semble devenir un cimetière de ces traditions et us transmués en tombeaux complètement ouverts ! J’ose penser que je me trompe et l’erreur est humaine. Le premier ennemi de l’Avocat, c’est lui-même et ses confrères.
LC : L’exigence de quinze années d’ancienneté au grand tableau posée par le règlement de procédure est pour empêcher vos cadets s’exercer à arme égale avec les anciens. Pour lui il s’agirait d’une violation même de la Constitution. Que répondez-vous ?
Me Moumbembé : Je dis avec gravité ceci : Avant de dire que chez le voisin tout est sale, commençons à mettre de la propreté chez Nous en faisant prévaloir la déontologie qui gouverne notre Profession d’Avocat et Nous-mêmes ! Quelle moralité sévit chez-Nous depuis un moment non prescrit ? La positive ou la négative ? Pourquoi dans un même Tableau existent-ils le Petit et le Grand ? Est-ce que ces anciens législateurs qui ont prévu cette division du Barreau, ont-ils été atteints de quelle maladie du sommeil intellectuel sachant que chaque candidat au Barreau National du Gabon vient des mondes culturels, philosophiques et humains très différents ? La preuve : pourquoi la Cour Constitutionnelle a-t-elle imposé cette règle de 15 ans d’inscription au Grand Tableau ? L’histoire est têtue. C’est à cause d’une jeune Avocate plaidant devant elle et qui avait affiché un comportement langagier outrageant envers la Cour Constitutionnelle ! Elle venait à peine de sortir de son stage de 3 ans et c’était comme si elle n’avait jamais été suivie valablement par son Maître de stage. Mais, le Conseil de l’Ordre, seul Maitre du Tableau, avait décidé concluant son stage d’Avocat de 3 ans. C’est ainsi donc que tous les Avocats n’ayant pas fait 15 ans au Grand Tableau ou plutôt 18 ans au Barreau National du Gabon subissent ce sort maléfique de par la conduite outrageante au prétoire constitutionnel.
LC : Aussi ce dernier appelle désormais à une intervention de l’État. Pour rappel ce ne pas qui veut qui peut livrer une interview dans l’Union. Certains y voient comme une façon de préparer l’opinion publique afin que le Palais se saisisse de ce dossier en votre défaveur suite à votre requête d’annulation de l’élection du barreau. Ne craignez-vous pas de perdre la face dans ce dossier ?
“Il n’y a rien de tel que l’Indépendance et la Liberté dans la dignité !”
Me Moumbembé : C’est absurde et insensé de faire appel au Président de la République, Chef de l’État, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature au Gabon ! Le 1er Bâtonnier de nationalité gabonaise, Feu Pierre-Louis Agondjo-Okawé, s’est battu des années au milieu des Avocats blancs et face au Pouvoir Politique monopartiste du Feu Président Albert Bernard Bongo. Cette Indépendance du Barreau National du Gabon obtenue enfin doit être coûte que coûte préservée en dépit des galères que chaque Avocat vit dignement. Je me battrai avec force mais sans fracas pour que cette Indépendance du Barreau National du Gabon soit à jamais maintenue. Nos Loi et Règlement Intérieur consacrent ce Gain corporatiste. Il n’y a rien de tel que l’Indépendance et la Liberté dans la dignité ! Que le Président de la République, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, se penche d’abord sur la situation socio-économico-professionnelle des Magistrats dont il est le Président ! À cette occasion, je lance un appel vibrant à l’unité de tous les Avocats (inscrits au Petit Tableau et au Grand Tableau) en vue de s’emparer chacun concrètement de l’article 65 de notre Règlement Intérieur sus-cité ! Soutenons-nous moralement et financièrement ! Vive le Barreau National du Gabon sans Bâtonnier intérimaire ! Et que le Conseil d’État lui apporte rapidement son aide intellectuelle juridico-judiciaire habituelle ! Ainsi soit-il !